Le buteur:
On n’aurait jamais imaginé qu’un jour, on en arriverait là. Lorsque le monde entier découvrait les images de Port-Saïd où pas moins de 70 personnes ont trouvé la mort, tous supporters d’Al Ahly, on était loin de penser que cela puisse arriver un jour en Algérie. Et pourtant, hier, à Saïda, on a revu les mêmes images et le drame a été évité de justesse, non pas grâce au service d’ordre, car celui-ci était passif, voire complice, mais «grâce à Dieu», comme n’ont cessé les joueurs de le répéter, eux qui se considèrent désormais comme des rescapés de l’enfer.
Le bus de l’USMA bloqué à l’entrée du stade, le cauchemar commenceAvant d’en arriver là, tout cela était prévisible. Le déplacement de l’USMA à Saïda n’allait pas être de tout repos, à l’occasion de ce match contre le MCS, surtout après que les responsables du Mouloudia de Saïda eurent refusé que la rencontre soit retransmise en direct à la télévision. Menacé par la relégation, le MCS était visiblement prêt à tout pour éviter le purgatoire, quitte à recourir à la violence et aux menaces de mort, pour intimider son adversaire du jour. Les Usmistes en ont eu vent dès leur arrivée au stade où une grande foule les attendait à l’entrée sans qu’on puisse distinguer les supporters des dirigeants ou des officiels. Le bus de l’USMA a été retardé à l’entrée du stade durant plus d’un quart d’heure où une foule déchaînée faisait usage de toutes sortes d’intimidations envers les joueurs. Pendant ce temps-là, dans une cohue indescriptible, les responsables du MCS refusaient l’accès aux vestiaires aux agents de sécurité de l’USMA, chargés d’assurer la sécurité des joueurs. Pour la délégation usmiste, il était hors de question de rentrer sans ses garde-du-corps, surtout dans de pareilles conditions. Il a fallu près de vingt minutes de négociations pour que le bus de l’équipe puisse enfin rentrer.
L’équipe de l’ENTV priée de rebrousser cheminComme on le sait, et comme déjà indiqué, les Saïdis ont refusé que ce match soit retransmis en direct. Ils ne se sont pas arrêtés là puisque même les caméras de la télévision, qui devaient filmer les séquences de la rencontre pour les différentes émissions qui font la rétrospective de la journée dans tous les stades, ont été empêchées d’accès au stade. Les techniciens de la télévision ont été priés de ranger leur matériel et de quitter les lieux, comme si un guet-apens se préparait au stade du 13-Avril de Saïda et ce, au vu et au su des officiels, des services de sécurité et des dirigeants du club.
Les Usmistes agressés à leur descente du busDès que les joueurs de l’USMA sont descendus de leur bus, des supporters du MCS, qui avaient des dossards de stadiers, étaient là pour les accueillir avec des insultes et des menaces. Comme si cela ne suffisait pas, ils sont allés jusqu’à agresser physiquement quelques joueurs, dont Djediat qui a été la cible privilégiée de ces voyous chargés par les dirigeants de Saïda «d’assurer un bon accueil à leurs hôtes». L’intervention un peu tardive du service d’ordre a plus ou moins calmé la situation. Lorsque les joueurs de l’USMA sont ressortis du vestiaire pour aller s’échauffer, c’est autour de Lemmouchia de se faire agresser. Un supporter saïdi a surgi de nulle part pour aller lui asséner des coups. C’était rien par rapport à ce que les Usmistes vivront par la suite.
Le commentateur de la radio agressé, son matériel saccagé, l’USMA prise au piègeA la mi-temps, alors que le score était de 0 à 0, des supporters de Saïda, toujours avec des dossards de stadiers, sont montés dans la tribune de presse et sont allés agresser le commentateur de la radio qui avait signalé «quelques grabuges avant le début de la rencontre». Son matériel a été saccagé, et après avoir empêché l’équipe de la télévision d’entrer au stade, c’était silence radio au stade du 13-Avril. L’USMA est prise au piège.
Laroussi demande au délégué d’arrêter le match, mais l’arbitre s’y était opposéSentant le danger, et fort de sa longue expérience des terrains, le secrétaire de l’USMA, Mustapha Laroussi, a demandé au délégué d’arrêter le match, quitte à le perdre. Le délégué n’a rien voulu savoir. Le secrétaire des Rouge et Noir a alors appelé les secrétaires de la FAF et de la LFP pour les informer de la situation, mais ces derniers lui ont dit de voir avec le délégué du match. Ce dernier a alors transmis à l’arbitre Zouaoui la demande de l’USMA, mais le referee n’a pas voulu arrêter la partie. «Je lui ai demandé d’arrêter le match, avant qu’il y ait mort d’hommes, quitte à perdre la rencontre. On ne voulait plus de ces points qui allaient nous coûter la vie», nous confiait Mustapha Laroussi.
L’abitre siffle la fin, la chasse à l’homme est lancéeOn jouait le temps additionnel lorsque Ouznadji égalisa de la tête (90’+
. L’arbitre avait ajouté dix minutes, car la partie s’était arrêtée environ 12 minutes après le but du MCS. Deux minutes après, l’arbitre mettra fin aux débats, et c’est l’enfer ! La chasse à l’homme est lancée ! Les supporters de Saïda, qui se sont donné le mot, envahissent le terrain, toutes sortes d’armes à la main. Les joueurs de l’USMA tentent de fuir. Sept d’entre eux n’ont pu joindre le vestiaire, ils se sont faufilés parmi leurs supporters qui les ont protégés. Ceux qui ont essayé de joindre le vestiaire sont pris au piège. Encerclés par des sauvages d’un autre âge, ils se font lyncher devant le service d’ordre passif et impuissant. Laïfaoui est poignardé au niveau de côtes, puis reçoit un coup à la tête. Il perd beaucoup de sang et tombe en perdant conscience. Le secrétaire de l’USMA, Abdellah Charchar, est atteint à la tête par une grosse pierre. Il tombe et perd conscience à son tour. Bouchema est gravement touché par un coup de couteau, il a du mal à atteindre les vestiaires. Les joueurs de l’USMA ne savent plus à quel saint se vouer. Zemmamouche est touché, Djediat aussi, c’est une boucherie, on ne sait plus ce qui se passe. Lorsqu’on a pu évacuer tout le monde dans le vestiaire, des joueurs manquaient à l’appel. Ce sont ceux qui avaient trouvé refuge chez leurs supporters. Peu de temps après, ils ont pu rejoindre leurs camarades. Une fois dans le vestiaire, on constate les dégâts. Ils sont lourds.
Gravement blessés, Laïfaoui, Bouchema et Charchar sont évacués d’urgence à l’hôpitalLes 18 joueurs sont blessés. On doit évacuer d’urgence les plus graves à l’hôpital. Laïfaoui et Abdellah Charchar, toujours inconscients et entre la vie et la mort, en plus de Bouchema, seront les premiers à être évacués par l'ambulance. Les autres reçoivent les premiers soins sur place. Le staff médical de l’USMA est dépassé et fait ce qu’il peut. Zemmamouche, Djediat, Feham et autres Hamiti se font recoudre leurs plaies dans le vestiaire. Plus tard, Hamiti, Maïga, Djediat et Feham, souffrant de différentes blessures, rejoindront les autres à l’hôpital.
19h30, Laïfaoui et Charchar reprennent conscience, Bouchema toujours choquéVers 19h30, et après avoir reçu les soins nécessaires, Laïfaoui et le secrétaire Abdallah Charchar sont réanimés. Leurs jours ne sont plus en danger. En revanche, Bouchema est toujours sous le choc. Même s’il est conscient, il a le regard dans le vide.
Le wali rend visite aux blessésLe wali de Saïda, dès qu’il a eu vent de ce qui venait de se passer, s’est rendu directement à l’hôpital pour rendre visite aux Usmistes. Il a discuté avec les joueurs et s’est montré écœuré par ce qui leur est arrivé. Il a essayé de les réconforter en leur promettant de leur mettre tous les moyens dont ils auront besoin. Avant de les quitter, il a souhaité un prompt rétablissement aux blessés et leur a demandé de l’appeler en cas de besoin.
20h, les esprits se calmentVers 20h, les esprits ont commencé à se calmer, mais les blessés étaient toujours à l’hôpital. A l’heure où nous mettons sous presse, la vie d’aucun membre de la délégation usmiste n’est en danger. A l’USMA, on n’oubliera pas de sitôt ce samedi 14 avril passé en enfer. De mémoire de footballeur, des scènes pareilles n’ont jamais été vécues lors d'un match de championnat.