"Il n’y a pas si longtemps, je ne ratais pas un grand match du championnat d’Angleterre devant ma TV. Je regardais Frank Lampard, Wayne Rooney et Steven Gerrard avec des yeux d’enfant… J’ai vraiment du mal à réaliser que je vais peut-être bientôt jouer face à eux…"
Il a fallu que FIFA.com monte en très haute altitude pour parvenir à joindre Foued Kadir la semaine passée, tant le milieu de terrain franco-algérien de Valenciennes semblait planer. Quelques jours après avoir eu confirmation de sa présence dans les 25 de Rabah Saâdane, le natif de Martigues n’était toujours pas redescendu de son petit nuage.
Auteur d’une jolie fin de saison avec le club nordiste, ce milieu de terrain offensif vif et technique rêve désormais que ce bonheur se poursuive jusqu’en Afrique du Sud. "J’ai passé pas mal de temps sur le banc en début de saison. Et puis tout s’est accéléré. Cela fait maintenant quelques mois que je gagne du temps de jeu. J’essaie de prouver à chaque match que je peut évoluer au haut niveau".
Retenu pour le stage de Crans Montana (Suisse, du 13 au 27 mai), il sait désormais ce qu’il lui reste à faire. "Je vais beaucoup travailler, énormément écouter. Et puis si par bonheur je suis dans les 23, je continuerai à faire profil bas, à prendre tous les conseils que je peux. Même si je ne joue pas, ce n’est pas trop grave. Je suis avant tout là pour apprendre".
Un discours empreint d’humilité qui rappelle que le garçon est la grosse surprise du groupe des Fennecs. Formé au FC Martigues puis à l’ES Troyes, ce fils d’immigrés algériens n’a jamais réussi à percer dans ces deux clubs.
Professionnel à seulement 24 ans
Pourtant, dans l’Aube, il touche du doigt son rêve : se rapprocher du pays de ses parents. Il y côtoie Karim Ziani et Rafik Saïfi. Eux jouent en Ligue 1 avec l’équipe fanion, lui en quatrième division avec la réserve. Mais le gamin n’est jamais loin de ses idoles. Il écoute leurs conseils et reçoit leurs encouragements. Sauf que le club troyen ne croit plus en lui, il est contraint de mettre sa carrière entre parenthèses. Il a alors 20 ans et évolue en Promotion d’Honneur, de retour dans sa région natale.
En 2004, la très réputée AS Cannes poursuit sa descente aux enfers et perd son statut professionnel. Elle est à la recherche de joueurs prêts à se mettre en quatre pour sauver le club. Foued saute sur l’occasion. Il sera pendant trois saisons un élément phare des Azuréens. Jusqu’à ce qu’en 2007, Amiens, club pro de L2, vienne le récupérer.
Il débute enfin sa carrière professionnelle à 24 ans. Mais les galères ne sont pas terminées. Deux ans plus tard, alors qu’il s’est facilement imposé dans une formation ambitieuse, il vit le drame d’une descente surprise en National. Par chance, Philippe Montanier l’a suivi alors qu’il était entraîneur de Boulogne-sur-Mer et décide de l’emmener avec lui à son transfert à Valenciennes.
"Il est arrivé sur la pointe des pieds", se souvient le coach. "Il s’est montré patient et a beaucoup travaillé. Ses qualités techniques et morales l’ont aidé à s’intégrer rapidement dans le groupe. C’est ainsi qu’il a réussi à sortir une deuxième partie de saison magnifique, avec des prestations assez bonnes sur le double plan physique et technique". Alors qu’il n’avait joué que 92 petites minutes pour ses six premiers mois dans le Nord, il a débuté 13 des 20 matches de son club en 2010.
Algérien à l’accent provençal
"J’ai un parcours atypique", résume pour sa part celui qui peut évoluer à tous les postes offensifs du milieu. "Rien n’a jamais été facile pour moi et je pense qu’aujourd’hui c’est ma force. Je ne me fixe aucune limite. Tout est allé tellement vite que je ne vois pas pourquoi cela devrait s’arrêter".
Il est certain que la progression TGV force le respect. On se souvient qu’en mars dernier, il avait été à l’origine de la chute quasi définitive des Girondins de Bordeaux, champions en titre, en marquant son premier but en L1 pour une victoire 2:0 à Nungesser. Il s’était alors retrouvé dans la lumière en embrassant le bracelet éponge aux couleurs de l’Algérie qu’il porte depuis ses années amiénoises. "Si je suis né dans le sud de la France, mes parents sont Algériens et j’ai toujours eu cette sélection dans un coin de ma tête", nous a-t-il confié dans son parler cher à Marcel Pagnol.
"Il y a quelques semaines, le président de la fédération m’avait passé un petit coup de fil pour me dire que le sélectionneur était intéressé. Cela m’a donné une motivation supplémentaire. Puis le coach est venu me voir à Monaco (10 avril, ndlr) pour me dire de continuer sur cette voie. Là j’ai vraiment commencé à y croire".
Bien lui en a pris puisqu’il se trouve désormais à quelques encablures de la Coupe du Monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010. Dans le Groupe C - avec l’Angleterre, les États-Unis et la Slovénie -, l’EN n’aura pas la tâche facile. Mais c’est justement ce qui fait rêver les supporters : surprendre tout le monde.
"Ce sera la première Coupe du Monde de tout le groupe, la première du pays depuis 24 ans. On sent une ferveur extraordinaire autour de nous. Je pense que cela peut nous mener loin". Foued Kadir se contenterait déjà de croiser Lampard, Rooney, Gerrard et consorts sur la pelouse du Cap le 18 juin prochain.
FIFA.COM